Midi, le mardi 24. Le ciel de Pandora était radieux en ce jour, la température appréciable, le moment rêvé pour une promenade en amoureux aux alentours de VrillsLand. Main dans la main, les deux tourtereaux goûtaient pleinement à ces plaisirs simples de la vie, déambulant insouciants, comme s'il n'y avait plus qu'eux au monde.
Tout le monde ici a fui ou est venu chercher quelque chose sur cette planète. Nitneuc lui, avait fui "les gens", tout simplement et sans même le chercher avait découvert l'amour. Sa quête personnelle était en quelques sortes accomplie. A présent il ne désirerait rien de plus que de profiter pleinement de la vie, en homme heureux et aux côtés de la fille qu'il aimait...
Alors qu'ils marchaient ainsi, silencieux et rêvant aux jours heureux qu'ils étaient destinés à passer ensemble, une inconnue sortit de nulle part, à quelques pas d'eux. Sous le coup de la surprise, les deux "artisans" esquissèrent instinctivement un mouvement de recul.
On eut dit une sauvageonne, les seins nus et le reste des vêtements en haillons, ses yeux fous et grands ouverts fixant alternativement l'un ou l'autre des protagonistes. Stellie fronça immédiatement les sourcils, d'anciens réflexes de combattante jusque alors enfouis en elle revinrent au premier plan, étrange intuition du danger à venir dont sont doués les véritables guerriers... Nitneuc lui ne ressentit rien de tel.
C'est alors qu'avec une rapidité qui le laissa pantois, l'intruse découvrit la lance métallique qu'elle dissimulait soigneusement derrière son dos et se rua vers Stellie en poussant un cri à vous déchirer les tympans. La soudaineté de l'action cloua le jeune homme sur place, il eut juste le temps de tourner la tête pour voir la pointe d'acier trempé perforer la cuisse de Stellie qui en hurla de douleur. Cette vision insupportable provoqua dans l'organisme du chimiste une violente décharge d'adrénaline. Le temps de la stupéfaction était révolu. Il se rua en serrant les poings vers la criminelle en sentant monter en lui une colère encore jamais éprouvée, pas même quand il avait surpris et s'était attaqué - pour la seule et unique fois dans sa vie - en vain à cette bande de gamins aux aiguilles à tricoter, torturant un chat dans une ruelle de Worcester ; pas non plus lorsque encore enfant, un individu cagoulé s'en était violemment pris à sa mère pour lui dérober son sac à main, il avait assisté impuissant et muet de colère à la scène... aujourd'hui c'était différent, il était un homme - son homme - et on s'en prenait à elle, cette fois il ne le permettrait pas...
La sauvageonne venait de retirer son arme de la jambe de Stellie, la tache de sang sur la cuisse de la jeune fille s'épanchait abondamment, par chance - et comme les secouristes de VrillsLand le constateraient plus tard - l'artère fémorale n'avait pas été touchée, sans quoi l'hémorragie lui aurait à coup sûr été fatale.
Au moment où Nitneuc ivre de rage se jeta sur elle, l'adversaire était déjà prête à le recevoir, tout s'était passé trés vite, hélas pour lui. La volonté et la colère ne suffisent pas face à l'expérience et une lance de qualité. La sauvageonne d'un coup bien assuré, lui enfonça sans peine l'arme dans torse, brisant net son élan et paralysant ses nerfs sous l'impact. Il tomba à genous alors qu'elle retirait sa lance, les yeux hagards, un mince filet de sang perlant au coin de ses lèvres. Stellie hurla, pas de douleur cette fois mais de désespoir, la meurtrière prit peur, non pas à cause du cri mais parce que Grosoeil, Birson et d'autres de VrillsLand alertés par ce vacarme arrivaient au loin. Elle s'enfuit sans demander son reste.
Non... non... non... non..., Stellie gémissait ainsi tout en rampant pour se rapprocher de Nitneuc allongé à quelques mètres de là.
Approche... murmura t-il dans un effort qui lui arracha une grimace de douleur, sa blessure saignait de façon inquiétante. Où... où est-ce que la pointe à traversé ? Demanda t-il inquiet un fois qu'elle fut arrivé à sa hauteur.
Sans un mot, elle désigna d'une main tremblante un point situé sur la droite de son torse, environ à mi-hauteur...
Oh... merde... lâcha t-il dans une grimace.
Le foie, voila qui expliquait la surface de la tâche de sang qui s'épanchait progressivement autour du corps du jeune homme. Combien de temps lui restait t-il avant de se vider complétement ? Quatre, peut être cinq minutes ? Il l'ignorait... il allait mourir, c'était la seule certitude. Stellie appuya sur la plaie avec ses deux mains pour la comprimer et stopper l'épanchement, peine perdue, le sang dégoulinait de toutes façons entre ses doigts. Il laissa échapper un sanglot, quelques larmes silencieuses, prenant peu à peu conscience du sort qui l'attendait.
La vie est une garce, on peut courir aprés le bonheur toute une vie et s'en voir privé à peine celui ci trouvé. J'aurais tellement voulu vivre à tes côtés... lâcha t-il d'une voie étranglée en rassemblant ses dernière forces. La perspective de la mort imminente le poussait à exprimer ses sentiments de façon la plus sincère possible, faisant fi de la retenue habituelle dont il ne s'était jamais départie. Elle déposa un ultime baiser sur ses lèvres, quelques larmes coulèrent de ses yeux et ce fut terminé. Les Khazars arrivés sur les lieux trouvèrent une jeune fille sanglotant impuissante, affalée sur le cadavre encore chaud de son fiancé.